Auto-anesthésie en autohypnose

CH HYPNOSE, April.Avril, Vol XXVI, No1/2016

« Au centre de la difficulté se trouve l’opportunité » (Einstein).

Au mois de décembre je devais me faire opérer un doigt à Ressaut. Un ami m’avait avertie que la pose du garrot sur le bras est désagréable et peut aussi être douloureux. Me rendant à la clinique, je sentais que j’étais inquiète et que cette peur venait du garrot plutôt que de l’intervention elle-même.

Arrivée dans ma chambre, installée sur mon lit, je décide de faire de l’autohypnose pour être calme. Je doute de ma capacité à anesthésier ma main par moi-même. J’ai, par le passé, essayé plusieurs fois les techniques d’anesthésie sur moi mais sans grand succès. J’ai eu l’occasion il y a quatre ans de pratiquer une hypno-sédation pour une opération du pied à l’hôpital de Nyon (GHOL) pour un patient, opération d’une heure et demie, avec succès. Je sais donc que cela est possible sur quelqu’un qu’on accompagne, mais comment vais-je arriver à « influencer » mon propre cerveau, seule ? C’est là que commencent mes doutes.

Dans mon lit, en attente de descendre au bloc, je décide de demander à mon esprit inconscient de mettre ma main en anesthésie et d’évacuer le sang de mon bras dans mon torse quand je serai en salle d’opération (toujours par peur du garrot). Je me mets en transe et attends un signal de mon inconscient. La technique que j’utilise, je l’ai apprise de Gaston Brousseau, et l’ai peut-être un peu arrangée à ma sauce personnelle pour me l’appliquer. Je tiens du bout des doigts entre le pouce et l’index un stylo, légèrement, avec la consigne de le retenir. « Plus il glisse et plus je dois résister à sa chute. Mais plus je résiste et plus il glisse. Il finira par tomber mais seulement lorsque mon esprit inconscient voudra me faire savoir qu’il a fini de mettre en place ce que je lui ai demandé ». Pendant ce temps, je maintiens mes pensées au temps zéro (T0) en me concentrant sur toutes les informations que mes cinq sens m’apportent de l’endroit où je suis. Se mettre à To c’est un peu comme activer control+alt+delete sur un clavier d’ordinateur pour enlever le programme qui bogue. Pendant ce temps mon esprit inconscient peut réinitialiser le nouveau programme (reset). J’ai souvent utilisé cet outil dans ma vie, particulièrement avant une compétition sportive, pour savoir combien elle m’est utile et combien elle fonctionne bien.

 

« On ne va jamais aussi loin que si on ne sait pas où on va » (Goethe)

Je suis en autohypnose depuis environ vingt minutes quand j’entends mon crayon    tomber sur le sol. Je sors de ma transe, le ramasse et lit encore pendant une heure. Puis je pense que ça va être mon tour très bientôt, et m’installe en transe. Une demi-heure plus tard l’infirmier vient me chercher et descend mon lit au bloc opératoire. En chemin il s’inquiète me voyant comme endormie et me demande si j’ai été prémédiquée. Je lui réponds tranquillement que je pratique l’autohypnose. Arrivée en bas, il me demande de changer de lit. Je me déplace et retourne de suite dans ma transe. Au bloc une infirmière me salue, son collègue lui explique que je suis en transe. Puis il me dit qu’il va me poser le garrot. Mon bras est actionné par l’infirmier pendant que je me dis, plutôt je suggère à mon sang de se retirer du bras et de se réfugier dans le reste de mon corps.

Comme j’ai les yeux fermés et que je sens le garrot, j’ai l’impression que l’infirmier l’a déjà gonflé. C’est alors que je constate que ma main commence à s’anesthésier comme par elle-même. J’accentue ce travail avec des suggestions de grand froid (main dans la glace) et j’imagine mon bras comme celui d’une poupée que je décroche et qui ne fait plus partie de mon corps, lequel maintenant s’arrête à mon épaule.

Le chirurgien entre, me salue. L’infirmier lui explique que je fais de l’hypnose. Le chirurgien me demande si j’ai anesthésié ma main. Je lui réponds que oui et que je pense qu’elle a bien pris. Il me dit, alors qu’il gonfle le garrot (je réalise que ce n’était pas encore fait !), qu’il fait une anesthésie locale, me pique une ou deux fois dans la paume de la main, me demande si cela me fait mal. Je sens bien qu’il me pique, mais pas grand chose d’autre. L’intervention commence et je m’enfuis dans ma safe place.

J’en suis extraite quand rentre un second médecin, que le chirurgien salue, qu’il me présente et je l’entends lui expliquer que je suis sous autohypnose et que j’ai si bien anesthésié ma main qu’il a mis nettement moins d’anesthésiant que nécessaire. J’ai crû qu’il avait dit cela pour me taquiner mais quand je lui ai posé la question de retour dans ma chambre, il m’a confirmé que c’est ce qu’il a fait. Il a ajouté que je l’avais bien aidé pendant l’intervention et que cela avait été plus facile et rapide pour lui.  Deux semaines plus tard, il a évalué approximativement à la moitié des doses d’anesthésiant habituellement utilisées, la quantité injectée pour opérer ma main. Cette intervention a dû durer environ vingt minutes (il m’avait annoncé qu’il y en aurait pour une demi heure).

 

« Celui qui veut déplacer le monde se déplace d’abord lui-même » (Socrate)

En hypnose ériksonienne, grâce aux suggestions permissives ouvertes, le patient fait ce qu’il est d’accord de faire, ce qu’il a besoin de faire. Il s’agit d’avantage  d’une d’autohypnose.

L’utilisation de l’imagination apporte dans notre cerveau une nouvelle réalité virtuelle, une nouvelle expérience, qui en état de transe, devient une expérience aussi importante que n’importe quelle expérience réelle. L’IRM nous montre que notre cerveau peine à faire la différence entre la réalité et l’image virtuelle qu’il perçoit en transe. Il traite l’information reçue en transe le plus souvent comme la réalité ou quelque chose de très proche de celle-ci.

Cela a été une expérience intéressante de proposer à mon cerveau une autre réalité dans le but de modifier mes sensations et de me permettre de vivre cette intervention chirurgicale confortablement.

 

Martine Oswald

Psychologue FSP, Formatrice et superviseuse SMSH, GHYPS et IRHyS.